Juillet
2012
interview de G.a.d /classique
en provence
S’il
n’est pas un homme-orchestre, Gérard Chambre
n’en est pas loin. Homme de théâtre (comédien et
metteur en scène), de télévision, de musique (chant,
composition, comédie musicale), il a fréquenté
les plus grands dans son parcours, et avec sa
compagnie Opera ma non troppo (tout un programme !),
remet sur scène ceux qu’on a tous gardés dans le
cœur : BREL, PIAF et maintenant TRENET, en attendant le
centenaire en 2013. Avec un esprit à la
Guitry (méchanceté en moins…)
et du talent à revendre, le voici qui nous fait
chanter « Y’a d’la joie » !
Vous créez régulièrement des spectacles à
succès : avez-vous une recette ?
Je choisis mon sujet et les éléments
qui le composent, je rassemble tout ça et je le
fais tourner… Mon spectacle
TRENET, que
je crée cette année à Lacoste,
je l’ai écrit en utilisant toutes les grandes
chansons du fou chantant, mais en me rappelant
qu’elles ont vu le jour pendant une période
troublée de notre histoire, que je garde en
arrière-plan : en pleine débâcle, il s’agissait
de redonner de la joie, de la bonne humeur. Mon
écriture s’est inspirée de cette dimension.
Vous travaillez évidemment en équipe ?
Je dirige la
compagnie
Opéra ma non troppo une petite troupe qui a déjà 4 ou 5
spectacles à son actif : Bœuf sur le
tôa,
Guitry-Cocteau,
Le Petit Groom de chez Maxim’s,
Don Quichotte...
C’est une toute petite équipe, mais elle me
permet de garder « l’ambiance troupe ». J’ai un
noyau fixe de 6-7 comédiens-chanteurs-musiciens,
fidèles depuis 7-8 ans, mais qui travaillent
aussi ailleurs, dans d’autres structures. Mais
travailler en troupe donne une véritable
complicité, une intensité, qui entraînent un
impact différent sur le spectateur : il perçoit
cette complicité, il la partage.
Quel est votre rôle au sein de cette équipe ?
Et vos projets ?
J’écris les textes de chansons, je
lance les projets, je suis sur scène… Le
spectacle sur Trénet, par exemple, nous allons
le créer au Festival de Lacoste - ce sera mon 6e
spectacle en ce lieu -, mais il va ensuite être
repris, à Paris notamment. Et puis, je vais vous
donner un scoop, qui vient juste de me parvenir :
nous devons reprendre le
Don Quichotte de
Jacques Brel en
saison d’hiver à l’Opéra-théâtre d’Avignon ; il
avait eu beaucoup de succès à
Paris, à l’Espace
Cardin ; à
Avignon, le
11 octobre 2012, nous le reprendrons dans une
configuration originale : avec des chanteurs,
des guitaristes, des danseurs, tous gitans ; la
rencontre entre notre troupe de comédiens avec 2
musiciens, et cette troupe de gitans de la
région, va être fort intéressante !
Les spectacles que vous
évoquez, en changeant de lieu, changent de
configuration : ils passent notamment de scènes
extérieures à des salles fermées ; êtes-vous
obligé de repenser totalement leur conception ?
La seule difficulté que j’aie rencontrée
en extérieur était, évidemment,
Le Petit
Groom de chez Maxim’s. A l’inverse, le
Don Quichotte, conçu pour la cour du Marquis
de Sade, a posé problème ensuite pour
l’intérieur : le cheval ne rentrait pas ! Mais
quand je conçois un spectacle, je m’efforce
toujours de l’imaginer dans un lieu… Il est vrai
que
TRENET est un lourd spectacle, avec
12 personnes en scène, une voiture, des vélos…
La conception m’apparaît d’abord dans une forme
absolue, que j’idéalise, en grandes dimensions ;
ensuite, j’adapte… Le lieu m’inspire beaucoup,
ainsi que les gens avec qui je travaille.
D’après votre cursus,
vous auriez pu aussi être chanteur « classique » ?
J’adore la chanson, j’aime chanter, dans
tous les styles. J’ai commencé comme « Petit
chanteur », puis je me suis attaché aux pas de
Brel, avec aussi du rock, du baroque, avec viole
d’amour - partition que j’avais écrite -, puis
ç’a été Don Quichotte, Trenet,
Montand. Mais si j’adore chanter moi-même,
c’est toujours avec l’espoir de faire chanter.
C’est ainsi qu’autour de Trénet, je me suis
demandé comment retrouver les grandes chansons
de Trénet sans faire un récital, et raconter une
véritable histoire à travers son répertoire.
Entre les divers types
de musiques, voyez-vous une différence
d’approche entre chanson et opéra ?
J’essaie d’adapter la performance
opératique à la chanson française. Je me situe
donc dans le cadre traditionnel de l’opéra, mais
avec un répertoire et une technique différents.
Je veux aborder ce répertoire de façon plus
simple et plus contestataire, plus légère ; si
vous êtes avec 80 musiciens, par exemple, vous
devez tendre à la performance. Et même si j’ai
monté des opéras, avec chanteurs, je n’en ai pas
vraiment la formation, ni l’envie.
En quoi votre approche
est-elle contestataire, légère ?
Tout en respectant la musique, je veux
faire de l’opéra pour tous. D’ailleurs la
musique a évolué, parce que l’oreille a évolué ;
les spectateurs sont moins rigoureux, moins
stricts.
Pouvez-vous préciser en quoi l’oreille a évolué ?
D’abord au niveau technique : on écoute
maintenant la musique dans un casque, en toute
proximité ; la distance de la salle n’existe
plus. Et puis, l’écoute est devenue multiple,
plurielle, avec une richesse incroyable de types
de musiques divers. A l’origine, les seuls
endroits où l’on entendait de la musique,
c’était la messe et l’opéra ; maintenant
l’environnement musical est différent. La
chanson elle-même a évolué : écoutez aujourd’hui
Yvonne Printemps,
qui était alors le summum de la modernité : elle
ne « passe » plus aujourd’hui.
La forme de grand
orchestre a évolué aussi. Et puis, les musiciens
d’aujourd’hui, ont 20 ans, 25 ans… J’ai ainsi
monté des festivals et des concerts totalement
insolites : dans un centre de thalasso, les
musiciens, en peignoir, ont joué Mozart devant
un auditoire lui aussi en peignoir. Sans pour
autant abaisser la musique ou la ridiculiser !
J’imagine que pour
bien interpréter TRENET, par exemple, il faut
une véritable complicité avec l’homme ?
Il faut sans doute de l’affinité. Mais
les gens sont plus en attente de vérité dans
l’interprétation et d’authenticité du cœur,
plutôt que d’une copie. Je me sens plus proche
de Brel que de Trenet ; mais ce que je recherche
toujours, c’est un chanteur qui me permette
d’interpréter ses chansons comme un comédien
interprète des textes : qu’il me laisse une
marge d’interprétation assez large, qu’il soit
généreux ! Mais il faut également que
l’interprète soit généreux ! Regardez le cas de
BREL : il a disparu depuis plus de 30 ans : je
l’ai chanté plus qu’il n’a chanté lui-même ! En
fait, quand une chanson est riche, je ne sais
jamais où je vais aller dans l’interprétation.
J’imagine qu’il vous
reste ainsi beaucoup de chanteurs à explorer ?
Oui, plein… Je puise dans une
époque où la chanson française était avant tout
chanson de scène, en rapport direct avec le
public. C’est ainsi que je peux être chanteur,
metteur en scène… Et j’ai encore des trésors :
Montand, Léo Ferré,
Piaf, même si j’ai déjà touché à Brel et Piaf.