Comédie musicale
une adaptation de toute beauté, signée Gérard Chambre.
Sagesse du fou, folie du sage
texte par Jean Barak 2012
Roman picaresque, Don Quichotte est l'histoire d'un vieux fou, nobliau
désargenté et illuminé, nourri de récits d'aventures chevaleresques. Il entraîne
son valet dans des aventures extravagantes où il combat des moulins à vent qu'il
prend pour des géants, libère des bagnards qu'on mène aux galères, et choisit
une prostituée comme chaste et pure princesse de ses rêves, Dulcinée.
Les érudits disent que le « Don Qijote de la Mancha » est le plus grand livre de
tous les temps et le premier roman de l'histoire contemporaine.
Une double gageure
Il fallait que Jacques Brel soit fou pour s'attaquer à ce monument (*). Brel
disparu, il nous restait ses disques et la nostalgie. Reprendre le « Quijote »
tenait de la gageure ou du suicide, il fallait être fou, mais avec cette logique
on ne ferait plus jamais rien. Fou, Gérard Chambre l'est, il ne doute de
rien, son adaptation met en abîme cet opéra de quatre sous et un hommage au
Maître. Il joue du paradoxe brechtienne plus que de la magie ou de la
technologie contemporaine, le verbe suffit: « Si tu veux parler du chat,
montres-en la queue » disait Berthold Brecht. Imiter Brel étant impossible, il
fallait l'évoquer, c'est là où la Compagnie de l'Illustre Théâtre réussit
son pari: on ne compare pas ce qui ne peut l'être, on écoute Chambre et
on entend Brel.
Dès la première note, l'émotion resurgit, intacte. Le spectacle vivant se vit
toujours au présent, pas sur le tube (**).
On peut dès lors se laisser aller à cette recréation décalée, dans une auberge
espagnole où s'étiole une « putain » sentimentale prête à croire un vieux fou
qui la prend pour l'inaccessible étoile, la princesse des légendes, Magali
Bonfils, superbe.
Ce bouge est un repaire de gitans, musiciens de fortune jouant pour quatre sous,
et de gitanes incandescentes.
Magnifiquement habitée par les sœurs
Deleria à la danse, Tereza et Florencia, Tchoune au canto hondo, Paco Carmona et
Frasco Santiago à la guitarre, cette version flamenca plonge loin ses racines,
tous sont à la juste place.
Après seulement deux jours de répétions ça nécessitera encore quelques réglages,
mais le public n'en a cure, il applaudit chaque morceau de bravoure.
Le pari était risqué, le spectacle réussi, et le public enchanté.
(*) La comédie musciale L'Homme de la Mancha de Dale Wasserman est adaptée par
Jacques Brel en 1968.
(**) La version de Gérard Chambre, iconoclaste, légère et rebelle de l'ouvere de
Cervantes inègre lses superbes chanson revisitées par Jacques Brel.
DR photos
© Jean Barak
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